Ca vous ai jamais arrivé? Vous êtes dans une soirée, dans une conférence ou même en cours et quelqu'un se met à parler DU classique que tout le monde a lu... sauf vous! Vous regardez autour de vous et voyez les mines entendus des gens et vous, vous vous sentez aussi gêné que dans le cauchemar où vous vous pointez sans pantalon à votre boulot (ou en bas résille en train de chanter à tue tête "Life is a cabaret my friend", je ne souhaite à personne cette déclinaison c'est vraiment très très génant...), et une petite voix geignarde couine dans votre tête "Ho mon dieu je n'ai pas lu (cocher la mention de votre choix):
- AmosOz
- Marguerite Duras
- Dostoievski
- Melville
- Tous ceux là plus des milliers d'autres
- Melville? C'est pas le mec qu'a gagné le dernier X Factor?
Et vous tremblez dans vos chausettes désormais moites, de peur qu'on ne vous interroge, ce à quoi vous devrez répondre d'une petite voix 'je l'ai pas lu..." et devrez accepter les cris hystériques à base de "Quoi mais c'est un CLASSIQUE!", ou alors plus hypocrite vous hocherez la tête d'un air entendu comme 90% des autres personnes de la dite soirée. Bref, sachant que je rentre dans l'avant dernière catégorie, j'essaye de temps à autre de pallier au gouffre de mes méconnaissances et tente (vaguement) d'y remédier en me plongeant dans un classique. Des fois j'adhère super pas, Proust par exemple (OUI je sais, c'est une HONTE! Je fais un travail là dessus, apparement ça viendrait d'un traumatisme lié à la petite enfance rapport à une grande tante qui m'aurait traumatisé avec des madeleines) et puis des fois je me dis, "Mais bon sang comment ai-je pu passer à côté d'un tel chefs-d'oeuvre?", Les confessions de Nat Turner, de William Styron sont de ceux là. Bon, je SAIS, tout le monde va me dire "Ho mais pourquoi t'en parles tout le monde le connais ce livre, c'est un CLASSIQUE!" oui, alors et d'une: ZUT et de deux: si ça peut donner envie à ceux qui ne l'ont pas encore lu de s'y coller, j'aurais pas perdu ma journée et de trois: c'est MON blog d'abord! Donc ça y'est j'ai lu un CLASSIQUE (il ne m'en reste que 56600, d'ici là, sûr que j'aurais réglé mon histoire de madeleine et d'allergie à Proust)...
William Styron, auteur de l'incontournable Choix de Sophie (autre grand classique que je n'ai pas lu...) est donc l'auteur de cet ouvrage qui fit scandale lorsqu'il parut pour la simple et bonne raison qu'il racontait l'histoire de Nat Turner, esclave noir révolté qui massacra des familles entière, à la tête d'une bande d'esclaves en déroute. Il avait en effet décidé de délivrer ses compagnons d'infortunes en éradiquant la race blanche de la surface du globe. Prodigieusement intelligent, mystique jusqu'à la folie meurtrière, il massacra avec ses hommes, une dizaine de personnes, ne faisant aucune pitié des enfants ou vieillards qui croisaient sa route. Le livre raconte ses confessions, du début de sa vie, aurpès d'un maître bon et humaniste qui lui apprit à écrire, puis sa lente descente aux enfers lorsqu'il fut vendu par son maître criblé de dettes à un prêtre complètement fou, qui lorsqu'il n'essayait pas de le violer, l'attachait à une chaine sans le nourrir et le battait comme plâtre. Dès lors, Nat Turner vouera une haine féroce à l'homme blanc, d'autant plus amer que son premier maître lui avait promis la liberté, sa vente à un autre maître plus humain après l'épisode atroce du prêtre, ne fera pas taire sa colère et bientôt, grâce à son intelligence et son charisme, il amènera d'autres esclaves sur le chemin d'une sanglante révolte.
Styron sait comme personne décrire les paysage et l'ambiance des champs de coton, la chaleur étouffante et la nature superbe, indifférente à l'horreur qui s'y prépare sans un bruit. Le chemin sanglant de Nat Turner touche autant qu'il nous effraie, la froideur avec laquelle le personnage principal envisage le meurtre de ses maîtres, ses préparatifs quasi-militaires pour mettre en place sa furie, les manipulations dont il fera preuve font froid dans le dos. Rarement le cheminement intérieur d'un meurtrier ne sera aussi bien décrit que dans cet ouvrage dur et implacable, et pourtant beau et tragique en même temps. Le terme "classique incontournable" prends désormais tout son sens pour moi, j'envie presque ceux qui ne l'ont pas encore lu, rien que pour le plaisir de cette découverte fabuleuse...